La porte du bureau du DRH se
referme derrière la jeune zombie, qui s’écroule sur un fauteuil de la salle
d’attente attenante, un sourire crispé sur les lèvres.
Un nuage noir s’est formé au
dessus d’elle et l’arrose d’une petite pluie fine et glacée, accompagnée
d’éclairs aveuglants, tandis qu’un peu de sang brun coule à la base du couteau
enfoncé du côté gauche de son crâne.
La petite chauve souris qui
tourne autour de la jeune zombie tente de l’égayer en faisant des cabrioles,
mais en vain.
Un petit fantôme vient alors
s’assoir à côté d’elle et lui tapote gentiment la main, avec un sourire
contrit.
-
Toi aussi, ils ont refusé ta candidature ?
Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?
Dead Me ravale la grosse boule
qui s’est formée dans sa gorge, avant de répondre.
-
« Vous êtes trop gentille », ils m’ont dit.
C’est pour ça qu’ils n’ont pas voulu de moi. C’est ridicule.
-
C’est drôle, j’ai eu la même remarque ! Au fait,
je m’appelle Théo. Et toi ?
-
Dead Me. Avec un « M » majuscule pour le
« Me ».
-
Enchanté, Dead Me, dit Théo en tendant la main à la
zombie. Tu viens ? On respirera mieux au grand air. On étouffe un peu,
ici. Enfin, se corrige Théo, c’est juste une façon de parler, hein !
Dehors, un parc à l’herbe rase
les accueille. C’est le printemps, des fleurs poussent en rangs serrés, parqués
le long de petits chemins pavés, et une légère brise agite les feuilles des
arbres.
-
C’est un jardin Japonais, commente Théo, pour rompre le
silence qui s’est installé.
-
J’aimerais bien aller au Japon. Je parle un peu la
langue. Konnichiwa, ça veut dire « bonjour », et Arigato,
« merci ».
-
Pourquoi tu n’y vas pas, si tu en as envie ?
-
C’est que je n’ai pas les moyens. Ca coûte très cher,
là-bas, de se loger. En fait, je comptais sur ce boulot, tu vois. J’ai un ami
qui a fait la goule dans Diablo II, et ça lui a rapporté un max. Il a fait un
mini-Boss. Faut dire, il s’appelle The Devourer. Ca en jette, comme nom, pour
une goule. Ca aide.
-
Je ne savais pas que c’était si bien payé, dit Théo,
songeur.
-
On s’en fiche. De toute façon, ils n’ont pas voulu de
nous pour leur Diablo III, alors c’est mort.
-
C’est ta tombe, que tu portes sous le bras ?
demande Théo, pour dévier la conversation.
-
Oh, et puis je m’en contrefiche de leur jeu pourri.
Devourer m’a dit que c’était de vrais esclavagistes, chez Blizzard. C’est une
grosse boite, c’est pour ça. On est plus respecté dans les petites structures,
tu comprends, explique Dead Me, l’air de ne pas trop comprendre, elle-même.
Tout en parlant, elle se penche
pour ramasser une poignée de fleurs. Elle les porte ensuite à ses narines en
souriant d’un air béat.
-
Elle sent booooooooooon ! Tiens, respire moi donc
cet arôme, toi aussi !
-
C’est vrai que tu as l’air gentille, pour une zombie,
dit Théo en prenant les fleurs.
-
Eh, qu’est-ce que je t’ai fait ? Tu crois que tu
fais peur, toi, avec ta queue de tétard translucide ? Tu parles d’un
fantôme d’opérette…
Un silence gêné s’installe,
seulement rompu par le souffle du vent et le bourdonnement discret de quelques
abeilles, attirées par le bouquet de fleurs que tient toujours Théo.
Au bout de quelques instants,
Dead Me se racle la gorge.
-
Excuse moi. Je ne pensais pas vraiment ce que je viens
de dire. Elle est très jolie, ta queue.
-
Merci, répond Théo. Ta tombe aussi, est très belle,
surtout avec toute cette mousse qui la recouvre. Et je ne l’avais pas encore
vue, mais j’adore ton araignée. On dirait une vraie !
-
C’est parce que c’est une vraie, répond Dead Me. C’est
juste que là, elle dort. Eh, tu sais quoi ? Il y a Runic qui prépare la
Torchlight 2 ! On devrait postuler ensemble ! Je suis sûr qu’ils
reconnaîtront notre véritable talent, ceux-là ! Ca te tente ?
Théo pousse un léger soupir et
hausse les épaules d’un air défaitiste.
-
Si tu veux, Dead Me, répond-il pourtant. Mais après, on
va au ciné, d’accord ? C’est moi qui t’invite !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire