L’homme, revêtu d’un lourd
scaphandre, fait de grands bonds de sauterelle sur la face exposée de la planète
morte.
Autour de lui, les plaines
désertiques, au sol craquelé, sont parsemées de cratères et de petites collines.
Chacun des pas du scaphandrier
soulève un nuage de poussière rouge, dense, qui met plusieurs minutes à
retomber, à chaque fois.
Le soleil se lève à l’horizon,
ses pâles rayons peinent à réchauffer l’atmosphère, et du givre se forme,
toujours, sur la visière du casque de l’homme.
Au loin, un gigantesque panneau
déploie son message en trois dimensions, sur plusieurs centaines de mètres carrés.
« Participez à l’expérience
du Tourisme archéologique, visitez les villes endormies de nos ancêtres.
Revivez la Guerre des 95, comme si vous y étiez ! »
Au détour d’une colline, à l’issu
d’un parcours fléché de rouge, le scaphandrier parvient à une large dépression
en forme de vasque.
Tapie au fond de son nid, une
ville aux tours brisées, démolies, aux rues encombrées des carcasses d’une
société anéantie, l’attend, l’espère.
« Paris, joyaux de la
décadence Terrienne, berceau et tombeau de la Civilisation Humaine. Paris,
principal centre culturel de son époque. Paris, première ville à tomber,
victime du conflit éclair, la « Guerre des 95 ». 95 minutes, 95
milliards de morts, 95 millions de survivants. »
Suit un court film en réalité
augmentée, injecté directement dans la matière grise du
scaphandrier-touriste-archéologue.
L’exode, les bombes, les cris, la
mort, le sang et la souffrance comme si vous y étiez. En direct live. Ou presque.
La publicité n’avait pas mentie.
Un appartement vide, au sein
d’une tour couchée sur le flanc comme une grand-mère malade.
Un simple mot laissé sur la table
en bois de la cuisine.
Une écriture d’enfant, pour faire
plus vrai, et la trace de sang en surlignance, pour le côté dramatique.
Le dernier mot n’est pas complet.
L’enfant a été interrompu par le déluge de feu, probablement ?
« Bonne fête des pères, mon
Papapounet d’Amour ! Je t’Aime très fort ! Dis, tu m’emmèneras
vraiment au parc Eurodisney à mon prochain anniversaire ? Tu m’as pro… »
On imagine l’enfant relevant
soudain la tête en entendant le bruit des premières bombes, le stylo encore
posé sur la feuille de papier.
Incroyable qu’une simple feuille
ait pu survivre a tout cela. A moins qu’elle n’ait été rédigée plus tard, après
le conflit ?
C’est rudement bien imité, en tout
cas, songe le scaphandrier en tâtant les bords calcinés du « témoignage
d’un lointain passé ».
L’homme repose la lettre sur la
table et ressort de la pièce, de sa démarche mi-trainante, mi-bondissante.
Le mot d’un enfant mort depuis
des siècle. Un lieu du temps passé. Eurodisney.
Tout cela a-t-il pu être réel, un
jour ?
Enfonçant quelques boutons sur sa
combinaison, il fait apparaître devant lui des flèches rouges.
La visite continue…
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